Virginie Probst

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Humus

Le ciel est bas, tumultueux, d’un gris ombré, presque mauve. Inlassablement, le vent peint et repeint d’étranges formes, comme un désir d’artiste inassouvi.
Son souffle puissant a éteint le silence. 
Je longe le mur en pierres sèches, l’effleure. Tenace, serein, rugueux. Il est le seul élément stable dans l’absolu qui m’entoure.
Tout attend l’orage. 
Trois papillons s’envolent dans l’air électrique. Sur leurs ailes déployées baigne la joie inaltérable de l’univers. 
On dirait que la terre va se jeter au ciel. 
Les premières gouttes m’atteignent à la lisière de la forêt. Tout s’éveille, bruisse et s’ouvre alentour, tissé ensemble par la même puissance primordiale qui fait imploser les pierres et nous jeter les uns contre les autres.  
Les éléments se déchaînent. 
S’en protéger?
Quelle idée! Je suis retournée à l’enfance, le seul lieu qui sache m’offrir des rêves à sa mesure, et moi, j’y ai planté mes racines. 
Je vais jouer! et j’aurai peur, oh oui... on dira que j’aurai peur! 
La vie prends les couleurs flamboyantes de l’eau du ciel. Pour la rejoindre, je dois frôler ce qui en moi est le plus semblable à l’eau, au ciel, à l’incendie. 
Je deviens eau, torrent, lac, buée, nuage, tout ce qui ne se laissera jamais contenir. 
Mille voix se répondent en une symphonie silencieuse. Le souffle ample des vents, les gémissements des grands pins, le chant de la pluie, même le silence...
Je suis ivre d’être femme, ivre d’être vivante, et la nuit qui vient est immense.
J’entends qu’on m’épelle. 
Alors je réponds. 
Mais certaines réponses ne nous appartiennent pas.
Je glisse vers la terre.
Chaque brin d’herbe hurle sa joie d’être. Mes sens dessinent les contours de mon âme et je deviens vaste... je leur fait confiance, ils savent bien, eux, comment me conduire vers la lumière. 
J’ai traversé la grotte, les mondes et les nuits. Je m’enfonce dans l’humus et tout mon être tend vers le ciel.
Avec joie, fureur et intensité.
J’ai trouvé ma place dans le grand rire de Dieu.