Virginie Probst

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Je suis

Chère âme,

Je me suis donc laissée flotter jusqu’à notre origine dans des halos caressants de lumière bleue. Leurs particules ont défait mon corps, douchant chaque cellule, puis les recomposant doucement dans la lumière suivante; rouge, orange, jaune. Poussée par le désir de suivre ce couloir de couleurs, comme à l’intérieur d’un grand serpent, je suis dans les halos jaunes lorsque je vois l’intensité éblouissante de la lumière suivante. Blanche. L’espace s’ouvre, je suis au bout du serpent, plus rien ne contient rien. Vertige... je résiste et tout se bloque. Je refuse d’aller plus loin. Sans repère, sans allié, sans bâton. De ma propre terreur surgit une vitre entre la lumière et moi, empêchant tout accès vers les éblouissements. 
Vois-tu un peu, chère âme...je ne pouvais plus passer. Je le voulais pourtant! Mais ma volonté s’est brisée contre la vitre. J’en meurs d’envie. 
Alors j’ai senti. Senti. Senti. Toute entière. Je suis devenue froide comme ma peau contre la vitre, et dans ce froid, la terreur du néant et du silence a pris toute la place.
Glisse. Lâche. Plonge!
Soudain, plus de vitre, je me fonds dans la lumière. En apesanteur, j’attends longtemps, longtemps...jusqu’à devenir un bras immense, qui effleure le sol fertile, la cimes des hauts sapins, chaque brin d’herbe et tout le lichen de la forêt. De géante je deviens minuscule, je caresse la feuille d’alchémille et je deviens l’alchémille, ma surface alourdie par le poids de la goutte de rosée. Je plonge dans la goutte et deviens l’Eau. Je suis le fond suintant et sombre du puits, et sa margelle en pierre, moussue et tiède de soleil. Je suis le soleil. Je vais vers une étoile et j’en deviens le coeur.
Je suis le vent. Le sable, le poil du renard, l’écaille du poisson, le trait de lumière et le reflet de la lune. Je suis chaque particule de matière.
Mais où sont les humains? Je deviens alors foie d’être humain. Et aussi l’homme à qui il appartient. Je suis chaque homme. Chaque femme. Chaque enfant. Chaque animal, chaque plante et chaque pierre. L’entier et les parties. Je porte en moi tous les visages du monde et le monde lui-même.
Je suis donc toi aussi.
Accueille-moi encore une fois, je suis enfin prête. 
Puis nous retournerons à la maison.
Tu écoutes et j’entends.
Tu sens et je hume.
Tu vois et je regarde.
Tu existes et je te rêve.
Nous sommes.
Je suis